TRIBUNAL D’ARBITRAGE CANADA
PROVINCE DE QUÉBEC
No de dépôt :
Date : 21 mars 2023
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DEVANT L’ARBITRE : Alain Turcotte
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FTQ Construction
Conseil provincial du Québec des métiers de la construction
Syndicat québécois de la construction
CSD Construction
CSN Construction
Ci-après appelés « les syndicats »
Et
Association de la construction du Québec
Association des professionnels de la construction et de l’habitation du Québec
Association des constructeurs de routes et de grands travaux du Québec
Ci-après appelés « les employeurs »
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SENTENCE ARBITRALE
Différend sur l’application mobile de pointage
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APERÇU DU DIFFÉREND
[1] Les parties ne s’entendent pas sur l’utilisation d’un nouveau moyen de pointage
du temps de travail. En plus d’outils comme l’horodateur ou la feuille de temps, les
employeurs veulent ajouter une application téléchargeable sur le téléphone portable des
salariés. Cela permettrait aux travailleurs d’enregistrer leurs heures d’arrivée et de départ
sur le chantier par géolocalisation.
[2] Les parties syndicales acceptent le principe d’une application mobile de pointage
mais s’opposent à l’utilisation du téléphone des travailleurs. Elles invoquent des motifs
de confidentialité et de sécurité, en particulier en ce qui concerne la géolocalisation
continue des personnes et l’accès à leurs données personnelles.
[3] Dans sa présentation d’ouverture, le procureur de l’Association de la construction
du Québec (ACQ) le dit expressément: les parties ne seraient pas en arbitrage si elles
s’entendaient sur l’utilisation du téléphone personnel des salariés.
LE CONTEXTE
LE RÉGIME DE NÉGOCIATION EN CAUSE
[4] Le différend s’inscrit dans le régime particulier de négociation de l’industrie de la
construction1. La Loi R-20 identifie quatre secteurs :
– Secteur génie civil et voirie (art. 1v) de la loi)
– Secteur industriel (art. 1w) de la loi)
– Secteur institutionnel et commercial (art. 1x) de la loi)
– Secteur résidentiel (art. 1y) de la loi)
[5] Trois associations sectorielles d’employeurs peuvent agir comme agent
négociateur en fonction de leur représentativité2. Du côté syndical, la loi désigne cinq
associations à ce titre. Elles représentent les travailleurs selon des pourcentages
variables3. Ce sont également celles qui sont présentes dans le présent dossier.
[6] Il y a une convention collective pour chacun des secteurs.
[7] Il n’est pas nécessaire d’exposer en détails les dispositions de la Loi R-20
concernant le contenu des conventions collectives4. On verra que les dispositions portant
sur le pointage des heures de travail sont identiques dans les quatre secteurs. De plus,
les associations sectorielles d’employeur se sont regroupées sur le sujet (nous le
désignerons comme étant le Regroupement) tout comme les associations syndicales
(l’Alliance). Le Regroupement et l’Alliance présentent chacun une position. Certains
points se recoupent mais d’autres divisent les parties. Il faudra donc trouver un texte qui
s’appliquera aux quatre secteurs de l’industrie.
1 Loi sur les relations du travail, la formation professionnelle et la gestion de la main-d’œuvre dans
l’industrie de la construction, RLRQ, c. R-20 (la Loi R-20).
2 Art. 1c.2) de la Loi R-20, ce sont les trois associations en présence ici.
3 Art. 28 et suivants de la Loi R-20.
4 Voir notamment les articles 44 et 61.1 de celle-ci.
[8] On trouvera un exposé beaucoup plus complet de ce régime de négociation dans
l’affaire FTQ Construction et autres c. Procureur général du Québec5. Il y a lieu cependant
de citer ce passage qui illustre les caractéristiques uniques de cette industrie :
[22] […] On pense par exemple à l’organisation du travail par projets, à la durée
limitée de ces projets, au caractère provisoire des installations, à la succession de
contrats à durée variable, au nombre important de petites entreprises, à la mobilité
de la main-d’œuvre et des entreprises et aux fluctuations cycliques et
saisonnières. Ainsi, plusieurs travailleurs changent fréquemment d’employeur ou
travaillent pour plusieurs employeurs à la fois. Un travailleur peut même réaliser
des travaux dans l’un ou l’autre des différents secteurs de l’industrie au cours de
la même semaine et, parfois même, au cours d’une même journée. La précarité
d’emploi est typique de cette industrie compte tenu de l’absence de lien permanent
d’emploi ou du fait que les travailleurs changent fréquemment d’employeur.
LA SENTENCE ARBITRALE SUR UNE APPLICATION MOBILE
[9] Pour comprendre ce qui a mené au présent arbitrage, les parties déposent une
sentence arbitrale6 de grief qui a traité de notre sujet.
[10] Dans le secteur institutionnel et commercial, un entrepreneur électricien
demandait à ses salariés de remplacer les feuilles de temps par une application mobile
sur leur téléphone personnel. La convention applicable prévoit : « Si l’employeur installe
une ou plusieurs horloges de pointage, il doit le faire le plus près possible de l’endroit où
commencent et se terminent les heures de travail […] ».
[11] Dans sa décision, l’arbitre Gabriel-M. Côté interprète de manière large et libérale
l’expression « horloge de pointage » pour inclure l’application mobile. Il décide donc que si
l’employeur installe une horloge de pointage, celui-ci doit fournir l’équipement et en
assumer les coûts (paragraphe 75). Il écrit que le fait de demander aux salariés
d’exécuter ces obligations à sa place contrevient à la convention.
[12] Pour l’arbitre, le seul moyen de changer les choses est de passer par les
mécanismes prévus à la Loi R-20 :
[83] En un mot comme en mille, toute introduction d’une nouvelle technologie pour le
pointage qui ne respecte pas la convention collective actuelle, doit être négociée entre les
parties négociatrices du secteur pertinent, en ce cas-ci le secteur institutionnel et
commercial.
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